Nous nous sommes envolés de Bangalore pour Durban, en Afrique du Sud. Notre vol, cependant n’a pas été direct. Comme nous volions avec Qatar Airways, nous sommes passés par Doha. Cette petite période de transit par le Moyen-Orient aura été notre seule visite dans cette région du globe qui pourtant nous attire tant. Nous avons eu la surprise d’y voir des gens voyager avec des faucons masqués, on ne voit pas ça tous les jours chez nous ! De Doha, nous nous sommes envolés pour Johannesburg, en Afrique du Sud, puis nous avons pris un petit vol jusqu’à Durban, sur la côte est du pays. Là, nous avons pris notre voiture de location et zoum ! Départ pour Sheffield Beach, où nous avons loué une maisonnette de plage sur Airbnb. Kwazulu-Natal: The Dolphin Coast Le contraste avec l’Inde était marquant pour nous tous. Le silence, l’air frais, la nature et la vue magnifique s’étendant devant nous, un vrai régal ! La mer qui léchait le pied de la falaise était plutôt calme, c’est donc tout naturellement que nous sommes descendus découvrir la plage. Après quelques minutes, nous avons tous remarqué de nombreuses billes blanches qui perlaient le sable. Kalan s’est approché de moi et m’a demandé ce que c’était. « On dirait du plastique », lui ai-je dit. « Je crois que c’est du plastique destiné à être fondu et moulé », me dit-il. « Non, ce n’est pas possible…, qu’est-ce que ça ferait là ? ça doit être des déchets plastiques qui ont été transformés en gros grains par le mouvement des vagues… comme pour les grains de sable », ajoutai-je, un peu incrédule... Kalan avait raison. Nous avons découvert un peu plus tard une équipe de nettoyage sur la plage. Le responsable de l’équipe nous a expliqué qu’une immense tempête avait secoué la région de Durban quelques semaines plus tôt et qu’un navire transportant des containers avait été tellement bringuebalé par les vagues qu’un caisson contenant 49 tonnes de billes de plastique destinées à être moulées était tombé du bateau, éparpillant tout son chargement dans l’océan. Heureusement, ces billes flottent. Une grande opération de nettoyage a donc débuté le long des côtes sud-africaines, jusqu’au Cap, pour tenter de récupérer ces perles de thermoplastique. Le travail devrait durer jusqu’en août 2018. Début décembre, lorsque nous parlions avec le responsable, 5 tonnes de boulettes blanches avaient été récupérées. « Sur certaines plages, on aurait dit qu’il avait neigé », nous a-t-il dit. Une bien triste vision mais au moins, le problème n’a pas simplement été ignoré ; Une opération de nettoyage a été mise en place. Anokhi, comme un peu partout dans le monde, a « été adoptée » par un chien. Non, ce n’est pas elle qui adopte les chiens, ce sont les loulous errants qui se mettent à la suivre. Ainsi, Anokhi a « été adoptée » plusieurs fois en Amérique du Sud, finalement, elle s’est amusée à les nommer. Il y a donc eu Sunshine, au Chili, Moonlight, à Rapa Nui, Moonshine à Moorea, une chienne indienne dont je ne me souviens plus le nom et finalement Gracie, à Sheffield Beach, en Afrique du Sud. « Gracie est la petite chienne du coin, elle n’appartient à personne ou elle appartient à tout le monde », nous a dit une dame. Parfait ! Gracie s’est donc greffée à notre famille pour quelques jours. C’était trop drôle de la prendre à la plage ! En bonne petite Jack Russel, Gracie sniffait les petits trous dans le sable, se mettait à creuser… de plus en plus profond… jusqu’à dénicher le crabe qui se cachait, bien profondément enfoui. Parfois, Gracie abandonnait son trou et se précipitait vers un autre endroit. Lorsqu’un crabe était découvert, c’était un duel de vitesse… soit le crabe s’enfuyait très rapidement, soit Gracie le croquait. Ainsi, elle a mangé 3 ou 4 crabes durant l’une de nos balades sur la plage. Une drôle de petite chienne… Le matin, Anokhi, Kean et moi étions debout à l’aube. Du bord de la falaise, nous observions, émerveillés, le soleil se lever sur la grande étendue maritime. Soudain, un groupe de dauphins est apparu dans les vagues. La Dolphin Coast porte bien son nom ! Nous avons quitté la côte pour nous enfoncer dans les terres en direction du Drakensberg, où nous voulions camper au Royal Natal National Park. Nous avons traversé de superbes paysages orageux, une ambiance très africaine. Arrivés au parc, tout était complet, sauf des rondavels, ces petites cahutes rondes typiquement sud-africaines, dans le village de Thendele mais, malheureusement, nous ne pouvions pas nous offrir ce luxe… Alors nous sommes retournés quelques kilomètres en arrière et somme finalement restés dans un B&B nommé « The Tower of Pizza ». Un nom pas très joli pour un endroit qui s’est avéré être très, très agréable ! Il pleuvait des cordes ce soir-là. Nous étions trempés jusqu’aux os… le poêle à bois de notre chambre était donc vraiment bienvenu et nous avons passé une très agréable soirée, suivie d’un délicieux repas dans le restaurant adjacent. Une bonne adresse, si vous êtes par là-bas un jour ! Le lendemain, il était temps pour nous de partir à l’aventure. Nous sommes entrés dans le Royal Natal Park pour la journée et avons décidé de faire la randonnée qui allait nous mener aux gorges de Thugela. Superbe marche, splendides paysages, magnifique flore faite de fynbos. J’étais émerveillée par les proteas, par la quantité de papillons et par les magnifiques mais dangereuses sauterelles aux couleurs de Xamax (milkweed grasshoppers). Cette randonnée était de toute beauté et les kilomètres parcourus ne se sont pas fait sentir. Finalement arrivés dans les gorges, nous avons pique-niqué au bord de la rivière, au fond de l’immense crevasse de roche sculptée par les eaux de la Thugela. Un orage a commencé à retentir, il était temps pour nous de repartir. Le retour s’est fait sur un rythme de marche plus soutenu et nous sommes finalement arrivés épuisés mais heureux au bout de nos 16 kilomètres de marche du jour… Bravo les enfants, vous avez été de vrais champions !!! Le matin suivant, nous devions nous rendre au Lesotho mais Zephyr s’est réveillé avec des problèmes gastriques. Il pleuvait à grande averse et nous avons donc décidé que ce jour serait « un jour perdu ». Nous sommes restés bien calfeutrés à l’intérieur de notre joli cottage, avec un bon feu et nous avons fabriqué des ornements de Noël pour bricoler un peu. Kalan, lui, s’est isolé pour faire du travail scolaire. « On prend du retard, Maman »… C’est vrai, on prend du retard sur le travail scolaire à effectuer… Heureusement que Kalan est un élève assidu, je n'aurais jamais, mais alors jamais insisté pour faire du vocabulaire et de la grammaire allemande à son âge! Kalan, tu m'épates tous les jours et nous sommes si fiers de toi! À l’aube, tout le monde étant en forme, nous sommes donc partis en direction du Lesotho. Initialement, nous voulions y accéder par le Sani Pass qui est, paraît-il, un superbe col. Mais la route étant en terre battue sur les derniers kilomètres, l'état de la route risquait d'avoir été affecté par les récentes intempéries. Nous avons donc préféré choisir l’option du Ficksburg Bridge, plus sûre et bien moins occupée que le poste-frontière de Maseru, la capitale, où il faut parfois attendre 5 heures avant de pouvoir passer la frontière. Le Lesotho : L’arrivés à la frontière du Lesotho par le Ficksburg Bridge a été relativement rapide. 20 minutes de queue pour faire tamponner nos passeports et recevoir un laisser-passer pour nos ordinateurs, rien de bien méchant… Nous avons tout de suite senti que cet endroit avait une teinte différente... À la différence de l’Afrique du Sud, le Lesotho a été bien moins influencé par les colons européens. Le Lesotho est à part. Le Lesotho a sa propre identité, bien qu’il soit enveloppé de toutes parts par l’Afrique du Sud. Le Lesotho se nommait historiquement « Basuto Land ». C’est un territoire qui a été, à travers de clairvoyants échanges diplomatiques entre le roi Moshoeshoe et les colons européens, « sauvé » du régime de l’apartheid. Le Lesotho a même accueilli de nombreux réfugiés politiques sud-africains durant cette triste période de l’histoire. Depuis 1966, le Lesotho a acquis son indépendance de l’empire et du protectorat britannique. Une longue période de troubles politiques s’en est suivie et la stabilité du pays n’est pas encore garantie. Les derniers heurts datent de 2014, quand un coup d’état militaire a échoué. « Pourquoi aller au Lesotho ? Tout le monde est pauvre là-bas ! ». « Les routes sont un désastre », « C’est trop dangereux », plusieurs personnes ont essayé de nous dissuader de nous rendre dans ce tout petit pays. Les sud-africains n’y voient pas grand intérêt, je crois. Pourtant, pour nous, le Lesotho a été un immense coup de cœur ! Le royaume des montagnes est surplombé d’une immensité céleste au bleu des plus profonds. C’était dans la Cordillère des Andes que nous avions vu un ciel bleu pareil pour la dernière fois et pourtant, le ciel du Lesotho est unique, d’un bleu électrique mais développant de superbes formations nuageuses. Le royaume sans clôtures est très différent de l’Afrique du Sud où tout le monde s’enferme dans une prison grillagée de sécurité souvent électrifiée. Il n’y a rien de tout cela au Lesotho ou très peu et c’est bien agréable ! Les étendues à perte de vue, où les bergers portant leurs couvertures typiques de la tribu Basotho font paître leurs troupeaux, sont splendides ! Les gorges creusées par les rivières sont très sauvages, les rochers, où se baladaient des dinosaures il y a des millions d’années, semblent simplement attendre qu’on vienne admirer les gigantesques empreintes qui y sont enfoncées et la nature environnante est superbe, car, heureusement, encore peu exploitée par l’Homme. Il n’y a pas (pas encore) de pavillons touristiques, de barrières, de guides officiels en uniformes organisant des visites à heures précises. Non, au Lesotho, il n’y a rien de tout ce tralala touristique qu’on trouve maintenant partout dans le monde et qui tue l’aventure. Le Lesotho, c’est encore (mais pour combien de temps ?) un pays à explorer. Ce qui semble probablement très banal pour les gens locaux, nous a beaucoup touchés : les jolis villages, encore souvent construits en adobe et aux toits de chaume, les enfants qui trottinent sur un âne, les charrettes en bois tirées par une mule, le poulet qui bat frénétiquement des ailes, la tête en bas, en attendant d’être apporté au Sangoma du village, les hommes gardant les troupeaux, enveloppés dans leurs couvertures traditionnelles, leur visage couvert d’une cagoule ou leur tête coiffée du chapeau sculptural typique du pays. J’ai beaucoup aimé admirer ces silhouettes humaines dignes, immobiles, solitaires, s’érigeant au milieu de la plaine ou au sommet d’une falaise. Nous marchions dans une vallée et loin, très loin, un berger se tenait au bord du précipice nous surplombant. Il nous observait. Nous le regardions aussi. Nos regards se sont certainement rencontrés, eux, dans l’immense espace qui nous séparait. Telle une sentinelle, l’homme n’a pas bougé, il a continué à nous observer. On imaginait son quotidien ; peut-être qu’il imaginait le nôtre. Une rencontre visuelle, un échange de pensées des uns vers l’autre… Une rencontre, un échange qui pourtant abruptement nous rappellent qu’il n’y a pas que cet immense espace qui nous sépare. Au Lesotho, l’infrastructure est extrêmement basique. L’électricité n’est de loin pas répandue, l’eau courante est quasiment inexistante et le système de transport routier, bien qu’il ait été grandement amélioré ces dernières années, n’est pas très développé. Il n’y a pas de système d’égouts ou de traitement des eaux usées, la plupart des habitations villageoises ont donc leur petite latrine placée au fond du jardin, entre quatre pans de tôle ondulée. Les eaux des rivières sont, en conséquence, souvent insalubres et source de maladies. Les maisons sont entourées d’animaux domestiques et de quelques outils ou d’objets utilitaires du quotidien. Beaucoup de petites échoppes ou d’habitations sont couvertes de peinture illustrant le logo d’une grande entreprise locale de téléphonie mobile. Pour les propriétaires, c’est un excellent moyen de pouvoir peindre leur maison à moindres frais et pour la compagnie téléphonique, ces murs offrent un bon espace publicitaire. Les villes du Lesotho, comme Maseru, sont un peu plus modernes mais, comme beaucoup de villes africaines, elles n’ont aucun charme, construites uniquement à des fins fonctionnelles. « Hello, where are you from ? », nous ont demandé des enfants, à plusieurs reprises. La petite fille assise sur son âne qui traversait les champs, les 4 petits compères du village du coin qui ramassaient du bois pour le feu, le petit garçon qui est apparu dévalant la colline dans des bottes en caoutchouc d’une taille plus grande que toute la longueur de son bras, suivi par son troupeau de chèvres bêlantes, visiblement affolées par la soudaine course de leur jeune berger… À chaque fois, je répondais « Switzerland »… « Swaziland ??? » me demandaient-ils, visiblement perplexes et déçus de ma réponse… Après cette brève introduction mal débutée, suivait toujours la quête pour une ou deux pièces de monnaie ou de la nourriture… « Hungry, hungry » nous disaient quelques enfants en courant tant bien que mal à notre rencontre depuis leur maison. C’était très dur mais telle est la réalité de ce pays et nous avions été avertis ; il fallait donc maintenant pouvoir y faire face. Lors d’une balade, alors que nous pique-niquions sous quelques bouleaux blancs, un enfant s’est approché de nous. Il nous regardait manger notre pain et notre beurre de cacahuètes. « Je crois qu’il a faim », a dit l’un de nos enfants. Evidemment, ma première pensée a tout de suite été de partager notre pique-nique avec le petit garçon mais voilà qu’une autre cogitation issue de notre société moderne me traverse l’esprit… « Et s’il était allergique aux cacahuètes ? » Qu’allais-je faire s’il me faisait un choc anaphylactique au beau milieu de nulle part ? L’enfant mettait déjà sa main à sa bouche de manière répétée, me signalant qu’il voulait manger. Pleine d’appréhension, je lui ai tendu une tartine au beurre d’arachide. Un deuxième, puis un troisième enfant sont apparus. Ils ont fini toutes nos tartines. Plus loin, une femme nous observait, portant un grand seau sur sa tête. Elle criait de temps en temps quelques phrases aux enfants qui l’ignoraient complètement. Nous sommes repartis et les 3 enfants ont suivi la femme au seau qui s’était déjà bien éloignée de nous. C’est alors qu’est apparu un jeune berger de 8 ou 10 ans portant un pull rouge. Nous étions très surpris de le voir, car nous l’avions aperçu, tout en haut de la falaise, quelques temps plus tôt. « Hello », « Hello », nous avait-il alors crié de tout là-haut, puis il nous avait lancé plusieurs phrases en langue locale que nous ne comprenions évidement pas. « Hello ! » avions-nous crié dans cette immensité d’air entre lui et nous. Comme nous avions poursuivi notre chemin, le petit garçon au pull rouge s’était de plus en plus excité tout en haut de sa montagne. Nous l’avions vu courir le long des parois abruptes tombant à pic, ce minuscule petit point rouge. « Hello », « Hello », répétait-il, faisant des grands signes. Avait-t-il besoin d’aide ? Deux autres bergers assis à une cinquantaine de mètres de nous ne semblaient pas être alarmés. S’il avait besoin d’aide, ces deux-là feraient certainement quelque chose, avons-nous pensé avant de poursuivre notre marche. Donc voilà, une bonne demi-heure plus tard, alors que nous avions terminé notre pique-nique, ce petit bonhomme au pull rouge se tenait devant nous, tout transpirant, son bâton de berger à la main, ses bottes en caoutchouc d’adulte jusqu’à mi-cuisses et son troupeau de bêtes, un peu en retrait, buvant à la rivière, après ce qui a dû être pour elles une longue course en bas de la montagne. Il voulait de l’argent mais nous n’en avions pas. Nous étions partis sans un sou de notre auberge. Il avait faim aussi mais toutes nos tartines avaient été mangées. Nous n’avions absolument rien à lui donner. Il ne comprenait pas. Il nous a suivis longtemps, longtemps, longtemps. Il insistait, il insistait, il insistait. Nous lui avons montré nos poches vides, notre sac vide. Nous n’avions même plus d’eau ; il fallait que nous rentrions. Il ne comprenait pas. Il nous a encore suivis longtemps, nous suppliant de lui donner quelque chose mais nous n’avions rien, rien du tout à lui donner, si ce n’est peut-être les habits que nous portions sur le dos mais nous en avions encore besoin. Finalement, il s’est arrêté et nous a regardés nous éloigner. Nous l’avons vu s’asseoir, puis se coucher parterre. Le petit pull rouge disparut, s’enfonçant dans le sol. Étrangement, je pense que lui et nous partagions alors le même sentiment : Un cœur lourd, beaucoup de tristesse et ce sentiment d’injustice qui, quel que soit notre condition de vie, nous envahit dans ces moments-là. C’est la seule chose que nous avons pu partager avec ce petit berger au pull rouge et c’est bien dommage. De retour dans notre hébergement, nous avons trié nos sacs de voyage. À la réception, un panneau explicatif avertissait les visiteurs de ne surtout pas donner d’argent aux gens, car cela augmente la mendicité locale et les actes de violence. Conscients des énormes besoins de la population locale, les gérants de la Malealea Lodge ont donc mis en place un programme de distribution de dons aux villageois. En échange d’un don, ceux-ci doivent cependant participer à un programme communautaire dans le village, consistant en diverses tâches, par exemple : balayer une rue, ramasser les déchets dans les champs ou aider à brosser les poneys, ânes et chevaux de l’écurie du village. Toute tâche communautaire est récompensée par un habit, de la nourriture, une paire de souliers, des livres ou autres objets utiles laissés par les visiteurs. Ainsi, nous avons réuni ce que nous pouvions offrir et nous espérons que notre petit bonhomme au pull rouge bénéficiera de l’un de nos dons. Le manque d’emploi est un terrible problème au Lesotho. Alors que dans le passé, les hommes partaient travailler dans les mines sud-africaines, maintenant que celles-ci emploient moins de main d’œuvre, les hommes se retrouvent sans activité lucrative. Ils cultivent les champs, gardent les troupeaux et vivent souvent de manière très rudimentaire (« hand to mouth existence »). Un jour, pour nous rendre jusqu’à un site de peintures rupestres, nous avions le choix d’utiliser notre 4x4 ou d’y aller à cheval. La deuxième option étant la plus intéressante pour nous, nous avons donc organisé une virée avec 5 chevaux et un guide également monté. « Vous ne voulez pas que quelqu’un tienne votre cheval ou un guide supplémentaire pour l’arrière ? », nous a demandé le guide. Non, nous ne pensions pas que cela soit nécessaire… Il n’a pas insisté mais lorsque nous nous sommes assis sur nos montures, un autre homme a proposé de guider le cheval d’Anokhi. Ok, c’était peut-être plus prudent… alors un deuxième homme est venu et a demandé s’il pouvait tenir le cheval de Zephyr… C’est à ce moment-là que nous avons réalisé qu’assis juste derrière le portail de notre auberge, des hommes attendaient du travail. Accompagner les cavaliers est une opportunité pour eux de rapporter un peu d’argent à la maison. Nous sommes finalement partis avec une équipée de 7 chevaux, 2 guides et 5 accompagnants. Notre « caravane » était impressionnante mais surtout, elle permettait à 7 hommes du village d’avoir du travail ce jour-là. Les peintures rupestres du peuple San étaient de toute beauté ! Pour nous y rendre, nous avons dû cheminer le long d’une falaise surplombant une magnifique gorge profonde au fond de laquelle s’écoulait une rivière. Tout un groupe d’enfants attendait sous les arbres l’arrivée d’éventuels visiteurs. L’un d’eux a été désigné par notre guide. « Aujourd’hui, c’est son tour ! », annonça-t-il. Le groupe d’enfants nous a suivis jusqu’à une première caverne. Ils se sont placés sur 2 rangées, ils ont déposé un morceau de tissu devant eux et ils ont entonné une première chanson. Ces chants africains, chantés en chorale, avec le rythme marqué par des clapements de mains ou de pieds, sont tellement émouvants! De voir ces tout jeunes enfants si enthousiastes, mi-professionnels, mi-joueurs, s’amusant à faire un spectacle pour une famille de touristes, était à la fois hautement inconfortable et magique. Heureux d’avoir pu récolter un peu d’argent, ils sont partis après la deuxième chanson. Notre petit guide du jour nous a emmenés jusqu’aux peintures. Malheureusement, il ne parlait pas un seul mot d’anglais. Il a cependant pris son travail de guide très au sérieux, offrant sa main comme support dans les endroits les plus escarpés, alors qu’il ne faisait qu’un mètre de haut et probablement la moitié du poids de notre plus jeune fille. Au Lesotho, il y a donc beaucoup de pauvreté et de la mendicité. Les gens sont peu éduqués et les nécessités sont extrêmes. Les enfants sont souvent pieds nus, surtout dans les villages et s’ils portent des chaussures ou des bottes, celles-ci sont généralement de taille adulte. Leurs habits également sont rarement ajustés à leur taille. Je me disais que ces enfants vêtus comme des adultes paraissaient encore plus fragiles. Ils sont la représentation physique des attentes et de la dure réalité auxquelles les enfants doivent faire face au Lesotho. Il y a peu de place pour l’insouciance de l’enfance dans cet endroit. Le pays souffre également du plus haut taux de séropositivité et de SIDA du monde, juste après son voisin le Swaziland. 53% des gens sont sous traitement anti rétroviraux et 25% des adultes sont infectés. Ces proportions catastrophiques affectent toute la population. De nombreux enfants sont orphelins et adoptés par des membres plus ou moins éloignés de la famille ou éduqués par des personnes âgées lorsqu’il ne reste plus personne dans l’entourage direct de l’enfant. Beaucoup de personnes sont très malades. On trouve des distributeurs de préservatifs gratuits dans de nombreux endroits publics, ce qui a surpris nos enfants et qui a débuté la douloureuse et bien triste, mais néanmoins nécessaire, discussion concernant les MST. Le Lesotho reste malgré cela une superbe destination à nos yeux. Encore une fois, la nature est splendide et c’est un pays qui mérite d’être exploré. Il n’a pas encore été envahi par notre monde moderne et par l’industrie touristique. C’est un de nos pays « coup de cœur » dans lequel nous retournerions bien volontiers, surtout si nous pouvons participer à un programme d’entraide. Nous avons quitté le Lesotho par le Sephapho Gate, un poste-frontière peu fréquenté. De retour en Afrique du Sud :
De retour en Afrique du Sud, nous avons traversé l’Orange Free State, en direction du Karoo. Notre première halte a été à Aliwal North, où nous avons campé pour la nuit. Ensuite, nous avons conduit jusqu’à Camdeboo National Park, où nous désirions rester quelques jours. Malheureusement, le camping du parc était plein. Nous sommes donc allés à Graaff-Reinet, la ville la plus proche, et sommes restés dans le camping municipal de Urquhart Campground. Le camping était vide, si ce n’est pour une famille placée juste à côté de nous avec qui nous avons tout de suite sympathisé. En journée, nous sommes allés visiter le parc de Camdeboo et avons pu y admirer les antilopes, les buffles et les superbes oiseaux qui s’y promènent. Nous avons visité la Vallée de la Désolation et ses superbes paysages et finalement, nous avons repris la route pour nous rendre au Addo Elephant Park, où nous avions une réservation pour un emplacement de camping prévue depuis plusieurs mois. Addo Elephant Park : Avec notre réservation, nous avions inclus une sortie guidée en jeep au crépuscule. À peine avions-nous installé nos tentes que nous partions donc explorer les pistes en terre battue (inaccessibles aux véhicules privés) qui sillonnent le parc. Dans la première minute, le guide plante sur les freins : Un buffle énorme broute à 2 mètres de nous. Le début s’annonce donc très prometteur !!! On descend un peu le long d’un chemin et notre guide nous demande d’être très silencieux. Il écoute attentivement puis nous dit « ça, c’est le rugissement d’un lion ! Il n’est pas loin ! On va voir si on peut le trouver ! ». Après quelques minutes, le grand lion mâle apparaît, marchant d’un pas régulier mais légèrement boitant en direction d’un point d’eau. Nous l’avons suivi. Le lion n’était nullement dérangé par notre présence, il traçait une ligne droite, à peine quelques mètres à côté de nous, pour se rendre vers l’étang. Les deux « blue cranes » présentes dans la gouille n’ont pas bougé. Le lion était là pour boire, pas pour les manger et elles semblaient le savoir. La pluie a débuté, nous avons poursuivi notre chemin. Avec les averses, sortent d’autres animaux. C’est ainsi que nous avons eu la chance de voir et de pouvoir tenir dans nos mains de grosses grenouilles. Puis un autre lion a croisé notre chemin, suivi par un chacal. Un peu plus loin, une femelle renard tentait de contrôler ses 3 petits qui sautillaient partout. L'eau tombant du ciel est également une source de plaisir pour les éléphants, qui sont apparus au détour d’un virage, en grand troupeau. Finalement, un porc-épic a gambadé près de nous, avant d’aller vite se cacher dans les fourrés. WOW ! Nous avons eu une chance incroyable de voir tous ces animaux lors de ce safari de nuit ! Une sortie certes onéreuse mais qui, à nos yeux, en a valu la peine. Les jours suivants, nous avons eu la chance de voir encore plus d’éléphants, de superbes antilopes, les zèbres si élégants et les phacochères si drôles… Je ne vais pas tout vous énumérer ici… mais je vous recommande vivement la visite de ce parc, si vous avec l’occasion d’aller en Afrique du Sud. Attention ! Réservez vos entrées et votre logement plusieurs mois à l’avance !!! Sachez que les dung beetles ont la priorité sur la route et qu’il est interdit de rouler sur les crottins d’éléphant car on risquerait d’écraser l’un de ces précieux insectes (le flightless dung beetle étant en voie d’extinction). Cela amène donc les chauffeurs de voitures à faire de drôles de zig-zags sur la route. Le Western Cape : Ressortis par le sud du Parc d’Addo (le sud de parc est très différent du nord, il faut absolument visiter les deux parties du parc !), nous avons passé une journée à Port Elizabeth chez une précieuse amie de ma famille, Gill. Quel plaisir de la revoir après toutes ces années ! Puis, nous sommes arrivés à Knysna, où nous avons retrouvé mon oncle, mes tantes et mes cousins. Mes parents, mon frère et ma nièce nous ont rejoints quelques jours plus tard pour les célébrations de fin d’année. Le 27 décembre, d’autres membres de la famille sont également venus et nous avons passé une fabuleuse journée de retrouvailles sur les hauteurs de Knysna. Ces jours ont été pour moi un grand mélange d’émotions. C’est un sentiment étrange d’avoir de la famille si éloignée géographiquement, qu’on ne voit qu’extrêmement rarement, et pourtant avec qui on partage des liens de parenté si proches. C'était merveilleux et boulversant à la fois! Knysna est une ville touristique affluente et très belle. Les Knysna Heads protègent le lagon de la ville et s’ouvrent sur l’immensité de l’océan. Un jour, alors que nous nous rendions à Brenton-on-Sea, une cinquantaine de dauphins chassaient dans les vagues au large de la plage. Il n’est pas rare de voir ces magnifiques mammifères marins, ainsi que des baleines (en saison) ou des grands blancs. Les plages avaient d’ailleurs été interdites de baignade les jours précédents, car des requins blancs avaient été aperçus dans les eaux proches du bord. Un immense incendie a dévasté Knysna en juin dernier. De nombreuses habitations ont été détruites et plusieurs personnes ont perdu la vie, alors que le feu se propageait dans les collines entourant la ville. C’est donc dans une zone un peu sinistrée que nous sommes arrivés. Il était étrange de voir des ruines brûlées juxtaposées, puis de superbes villas encore intactes. Le brasier s’est déplacé au gré du vent ce jour-là, faisant partir en fumée une partie des maisons et en épargnant de justesse d’autres. Il semblerait que les édifices les plus touchés aient été entourés de végétation non-indigène, comme des pins ou des palmiers, qui prend feu plus rapidement que la végétation endémique de cette région: le fynbos. Le 28 décembre, nous avons dit nos aurevoirs à toute ma famille et nous nous sommes dirigés vers Oudsthoorn et Meiringspoort. Oudsthoorn est un endroit très connu pour ses fermes d’autruches, dont on n'exporte plus tellement le plumage (anciennement utilisé pour orner les chapeaux) mais maintenant plutôt la viande. Malheureusement, à cause des crises de grippe aviaire, les fermiers peinent à exporter leur viande. De nombreux pays imposent des restrictions de sécurité, même plusieurs mois après la découverte et le traitement d’un foyer infectieux. Oudsthoorn est également très connu pour les Cango Caves, des grottes souterraines impressionnantes. À De Rust, nous avons campé sur la propriété de Barry et Vivienne, des propriétaires fermiers qui louent quelques chambres et qui proposent également un endroit de camping sur les hauteurs de leur domaine. Malheureusement, là encore, mais sans aucun lien avec Knysna, le feu a dévasté la région et le campement n’était plus accessible. Ils nous ont cependant proposé de poser nos tentes dans leur jardin et c’était parfait ! Meijer’s Rust, est une propriété s’étendant sur plusieurs hectares. Un endroit très agréable à visiter. Barry nous a expliqué tout ce qu’il avait mis en place pour rétablir l’équilibre du sol et retrouver une terre fertile, suite aux 6 ans de sécheresse dont souffre le Karoo, c'était fascinant! Est-ce que ce semi-désert deviendra bientôt un vrai désert ? La question est présente dans la tête de nombre de fermiers locaux… Ils voient bien que le climat a changé, que les plantes (cactus et succulentes) qui s’accommodaient dans le passé de leur situation ont de plus en plus de peine à survivre. L’eau est et reste absente, la végétation endémique sèche et bientôt il se peut qu’il ne reste plus rien qu’un désert de cailloux… C’est par le Meiringspoort que nous sommes repartis, puis nous avons fait une boucle juste avant la ville de Prince Albert pour traverser le Swartberg Mountain Pass aux pans rocheux gigantesques. Le col offre une vue imprenable sur le Little Karoo au sud et sur le Grand Karoo au Nord. C’est une région sublime ! Il se faisait tard et nous avions beaucoup roulé, il était temps de trouver un refuge pour la nuit. Après une heure relativement stressante à chercher sur Airbnb, Bookings.com et nos guides de voyages où rester pour la nuit, il fallait nous rendre à l’évidence, tout était plein. Les vacances d’été avaient débuté pour les sud-africains et tous les hébergements affichaient complet. Les possibilités de camping n’étaient pas nombreuses non-plus et, franchement, après plusieurs jours de camping d’affilée, nous rêvions tous d’un vrai lit. C’est finalement à Swellendam que nous avons trouvé notre petit nid douillet. La chance nous a souri, il restait 3 chambre au bord d’une piscine privée au Roosje van de Kaap B&B. Nous allions y passer Nouvel-An… Les propriétaires du Bed & Breakfast nous ont annoncé qu’ils seraient absents pour quelques jours et que le restaurant serait fermé mais que nous étions les bienvenus. Ils nous ont apporté un grill, du bois et nous ont souhaité une merveilleuse soirée du réveillon. Nous ne pouvions pas y croire… Nous avions tout l’endroit pour nous, une piscine privée pour nous amuser et un grill pour préparer notre souper… Le cap de la Nouvelle Année s’annonçait des plus auspicieux ! Situé juste en face du Drostdy Museum, le B&B était également idéalement placé. Nous avons bien entendu visité ce fabuleux musée qui retrace une grande partie de l’histoire sud-africaine. La région de Cape Town : Sécheresse et restrictions En route pour Cape Town, nous sommes passés par la petite ville de Robertson, où j’ai pu voir la maison dans laquelle ma grand-mère a grandi. Puis, nous sommes passés par Franschoek où il y avait une telle foule que nous avons décidé de ne même pas nous arrêter. Kean et moi connaissons déjà bien cette ville, de toutes manières. En route pour Sommerset West, nous sommes passés par le Theewaterskloof Dam, le réservoir qui alimente en eau la région du Cap. C’était un désert. Du sable, des arbres morts, presque plus une goutte d’eau. Un spectacle désolant ! La région du Cap souffre, en effet, de sécheresse depuis de nombreuses années. Lorsque nous y étions, les restrictions étaient de niveau 6 et tout le monde craignait « The Day Zero », prévue pour le mois d’avril 2018, où, finalement, il n’y aura plus une seule goutte d’eau au robinet et les installations seront fermées. Nous sommes arrivés sur la plage de Strand en fin de journée. Il y avait foule ! Des centaines de personnes étaient sur la plage et dans l’eau. C’est que le 1er janvier est une journée durant laquelle, traditionnellement, les gens se rendent en bord de mer. Les gens chantaient, dansaient, c'était la fête! Nous sommes ensuite restés à Sommerset West, chez la cousine de mon papa. Là, nous avons dû faire face aux restrictions d’eau et apprendre à changer nos habitudes. C’était un enseignement précieux, car dans la crise de l’eau tout le monde doit être solidaire. Ainsi, alors que j’insiste normalement toujours pour que mes enfants tirent la chasse d’eau, soudainement, j’ai dû leur demander de ne pas le faire… Difficile de changer un geste habituel si ancré en nous. On ne pouvait tirer la chasse qu’en cas de grosse commission. Aussi, en fait, la citerne de la chasse était vide, car elle était maintenant bloquée. Il fallait se doucher en moins d’1 minute, les pieds dans un bac récoltant l’eau. Cette eau « grise » était parfaite pour la chasse d’eau. On se gaspille pas de l'eau propre en ces temps de crise! Le lavage de la vaisselle, pour nous tous (7 personnes) devait utiliser moins d’un litre d’eau, rinçage compris. C’est ainsi qu’on a appris à faire la vaisselle tout autrement. Nous qui n’avions plus un seul habit propre, nous rêvions de faire une lessive, un autre luxe démesuré en ces temps de disette… mais Maritha a tout de même fait une machine en récoltant l’eau grise du lavage, une nouvelle fois. Alors que normalement les voitures sont régulièrement lavées, maintenant, ce geste est vu comme hautement anti-social. Les voitures sales sont le symbole de la lutte contre la « Day Zero ». Les compagnies de bus ont d’ailleurs collé de gros autocollants sur leurs vitres pour annoncer que les véhicules publics resteraient sales afin protéger l’environnement et de réduire le gaspillage d’eau. Le hashtag #DefeatDayZero a été créé pour que les gens puissent échanger leurs idées en vue de préserver l’eau le plus longtemps possible. Allez y faire un tour, c’est plein d’idées ingénieuses ! On a appris plein de choses ! Table Mountain : Le dernier jour, nous sommes montés à Table Mountain. La journée était radieuse ! La vue était superbe, nous nous en sommes mis plein les yeux car déjà, nous avions consulté Météo Suisse et nous savions qu’un avis de tempête hivernale nous attendait à notre retour… De retour en Europe… Notre périple est arrivé à sa fin. Nous avons repris l’avion une dernière fois. Arrivés à Heathrow (Londres), nous avons dû sortir nos bagages pour les ré-enregistrer. Nous n’avions pas l’esprit très affuté à ce moment-là, après 12 heures de vol et un chamboulement émotionnel à l'idée de rentrer chez nous… et savez-vous ce qu’il s’est passé ?... En 6 mois de voyage autour du monde, à entendre multiples avertissements concernant les vols et le brigandage dans "ces régions du monde", alors que jusque-là, nous ne nous étions rien fait voler… et bien oui, c’est à Londres que l’une de nos pièces de bagages s’est volatilisée, alors que nous buvions un café assis dans un restaurant… Finalement, l’Europe, ce n’est pas un endroit si sûr que ça… peut-être qu’on devrait repartir, tiens ! 😉
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Kean et CeliaNous sommes les parents de 3 merveilleux enfants. Archives
January 2018
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